Le pancréas est une glande annexe avec les glandes salivaires et le foie. Il est situé dans la cavité abdominale derrière l'estomac. Il ne pèse que environ 100g de parenchyme.
Le pancréas a trois parties :
La glande est caractérisée par la coexistence de deux populations cellulaires : les cellules endocrines et les cellules exocrines.
Les cellules endocrines sont regroupées en amas cellulaires ou îlots qui sont les îlots de Langerhans. Les cellules A ou α sécrètent le glucagon (hormone hyperglycémiante), les cellules B ou β sécrètent l'insuline (hormone hypoglycémiante). Ces hormones sont impliquées dans la régulation de l'homéostasie glucidique.
Il y a d'autres cellules endocrines en plus petit nombre : les cellules D à somatostatine (SMS). Ces cellules représentent environ 10% de la totalité du parenchyme.
Les 90% restants sont représentées par les glandes exocrines organisées de façon acineuse. Elles se drainent dans les canaux excréteurs, fusionnent pour donner le canal excréteur principal du pancréas : canal de Wirsung.
Les populations cellulaires sont essentiellement des cellules zymogènes : elles sécrètent des enzymes pancréatiques, de l'eau, des électrolytes. Il n'y a aucune cellule à mucus.
Les cellules canalaires bordent les canaux excréteurs, elles sécrètent principalement de l'eau et des électrolytes. Leur fonction sécrétoire en eau et en électrolytes est beaucoup plus importante que les cellules zymogènes.
Le canal principal de Wirsung draine le pancréas. Il se draine dans une petite cavité au niveau du duodénum qui est l'ampoule de Vater où se draine aussi la voie biliaire principale qui traverse en partie la tête pancréatique avant de se drainer dans le duodénum. La proximité entre les deux voies de drainage est importante pour les conséquences en pathologie : la tête peut être le siège d'un cancer, qui comprime éventuellement la voie biliaire principale. L'évacuation de la bile ne se fait plus. On observe une rétention de bilirubine qui est un pigment jaune dont sa concentration va augmenter et donner une coloration jaune aux téguments : on observe alors un ictère.
La sécrétion fluctue en fonction de la prise alimentaire, elle varie entre 1L et 1,5L par 24h.
Il s'agit d'un liquide incolore, non visqueux du fait de l'absence de mucus.
Le pH est neutre ou alcalin en fonction du débit de sécrétion (7 à 8,4).
Il y a une riche concentration en protéines : jusqu'à 10-15g de protéines. Les protéines sont de façon préférentielle des enzymes sécrétés par les cellules zymogènes (ou pro-enzymes).
Les cellules canalaires sont essentiellement responsables de cette sécrétion. On peut stimuler de façon artificielle ou pharmacologique le débit.
Certains ions (cations) restent à concentration stable quelque soit le débit : concentration voisine de celle plasmatique. [Na+] = 140 mM ; [K+] = 4 mM. La concentration des anions varie en fonction du débit :
Le Ca2+ a des concentrations relativement faibles : 1,7 mM. Dans certaines conditions pathologiques, le Ca2+ peut précipiter dans les canaux. Cela provoque des cristaux, calculs : phénomène douloureux lié à la présence de calculs dans les canaux excréteurs.
Si on observe une calcification de toute la glande, on parle de pancréatite chronique calcifiante. Le pancréas rempli de lithiase calcique a une plus grande densité (même densité que l'os).
L'augmentation des ions bicarbonates est due à l'existence de canaux perméables au Cl- au niveau de la membrane luminale (CFTR). Ces canaux sont chimiodépendants : leur ouverture est liée à une augmentation de la concentration d'un messager intracellulaire = AMPc dans les cellules. Cette augmentation de l'AMPc est liée à l'action de la sécrétine qui se lie sur les récepteurs membranaires, et active l'adénylate cyclase. La sortie de Cl- active un échangeur anionique qui fait entrer Cl- et sortir HCO3-. La résultante est l'augmentation d' HCO3- dans la lumière des canaux excréteurs pancréatiques.
La concentration en protéines est élevée : la majorité des protéines du suc pancréatique sont des enzymes.
Ces enzymes sont indispensables à la digestion. Tout insuffisance pancréatique exocrine aboutit à une situation de mal digestion d'où une mal absorption des nutriments et donc un état de dénutrition : cela peut entraîner un état clinique sévère. Il doit être traité efficacement par administration d'extraits pancréatiques exogènes qui remplacent la sécrétion déficiente.
La plupart des enzymes sont sécrétées sous forme de pro-enzymes inactives et ne seront activées que quand elles seront libérées dans le tube digestif. Si les enzymes étaient activées dès la sécrétion dans les canaux pancréatiques, elles pourraient digérer directement la glande pancréatique. Ceci se produit dans des pathologies telles que les pancréatites aiguës où une inflammation active ces enzymes : on observe alors une nécrose de la glande pancréatique.
Les enzymes sont utiles mais potentiellement dangereuses.
Elles permettent la digestion des protéines.
La plus prédominante (environ 20%) est la trypsine. Elle est sécrétée initialement sous forme inactive : trypsinogène. Le trypsinogène est activé en trypsine par une enzyme qui est attachée à la membrane apicale des entérocytes (cellules bordant l'intestin grêle) : l'entérokinase. Cette activation n'est possible que quand le trypsinogène va dans le tube digestif, entre en contact avec l'enzyme. Il y a alors une hydrolyse partielle du trypsinogène, modification de sa conformation, expose son site catalytique.
La trypsine agit sur les chaînes protéiques au voisinage de certaines séquences d'acides aminés. C'est une endoprotéase (endopeptidase) : elle coupe certaines chaînes protéiques à une partie interne de la protéine.
On a identifié des trypsinogènes avec des mutations sur un des gènes codants : on aboutit à une protéine anormale, perd sa fonctionnalité, génère des formes de pancréatites chroniques de type héréditaire.
La chymotrypsine est sécrétée dans le tube digestif sous forme d'une pro-enzyme inactive : le chymotrypsinogène. Son activation ne dépend pas de l'action de l'entérokinase mais de la trypsine. C'est une sorte de cascade : l'activation de la trypsine entraîne l'activation des autres enzymes.
La chymotrypsine est une endopeptidase.
L'élastase provient d'une pro-enzyme inactive : la proélastase.
Elle agit sur les chaînes protéiques riches en alanine, notamment le tissu élastique. C'est une endopeptidase.
Les exopeptidases coupent préférentiellement à l'extrémité C-ter des protéines, ce sont alors des carboxypeptidases.
Elles sont sécrétées dans le tube digestif sous forme de procarboxypeptidase. Elles sont activées par la trypsine.
L'action conjuguée des protéases permet une digestion assez complète mais non totale avec libération dans la lumière du tube digestif d'acides aminés, de peptides (di, tripeptides), de peptides avec 6 acides aminés au maximum.
Elles digèrent les sucres. Il n'en existe qu'une : l'α-amylase. En terme d'activité, elle ressemble beaucoup à l'α-amylase salivaire. Elle agit sur les liaisons α 1-4 des polymères glucidiques. Elle est sécrétée directement sous forme active dans le suc pancréatique et dans le tube digestif.
D'un point de vue quantitatif par rapport à celle salivaire, l'α-amylase pancréatique est beaucoup plus important fonctionnellement. Elle assure la digestion de la majorité des polymères glucidiques apportés par l'alimentation. Les produits de dégradations des polymères glucidiques peuvent être des sucres simples, des saccharides (di, tri), des dextrines qui subissent une hydrolyse supplémentaire par les enzymes présentes sur la membrane apicale des entérocytes.
Elles digèrent les lipides. Mais la situation est plus complexe étant donné que les lipides sont insolubles dans l'eau.
Dans l'estomac, le phénomène de brassage mécanique favorise la formation des gouttelettes lipidiques (émulsion). Ceci est important car les enzymes qui hydrolysent les lipides agissent au niveau de l'interface entre l'eau et les lipides. Plus les gouttelettes sont de petite taille, plus la surface est importante, plus la tension de surface diminue dans les gouttelettes, et plus l'action des enzymes est favorisée.
Les sels biliaires sont sécrétés par le foie au niveau du tube digestif. Ces molécules sont à la fois solubles dans les lipides et les milieux aqueux : on parle de molécules amphiphiles. Cette propriété est liée à la structure des sels biliaires qui sont formés d'un noyau stérol qui est plutôt soluble. De l'autre côté, il y a une série de groupements hydroxyles et d'une chaîne latérale carbonée qui forment la face polaire. Les sels biliaires favorisent la mise en solution des lipides de petite taille présents dans la lumière du tube digestif. Dans le milieu aqueux, les noyaux stérols s'agrègent pour former des micelles qui exposent dans le coeur la face liposoluble. La face polaire avec la chaîne latérale carbonée et les groupements hydroxyles sont exposés à l'extérieur en contact avec les molécules d'eau présentes dans la lumière du tube digestif. Au sein des micelles, peuvent venir des lipides : du cholestérol, des phospholipides.
La lipase la plus importante quantitativement et fonctionnellement est la triglycéride lipase.
Elle est sécrétée directement sous forme active. Elle agit sur les triglycérides qui représentent environ 60-80% des lipides apportés par l'alimentation. Les triglycérides sont formés d'un squelette glycérol où sont greffés 3 acides gras. Elle produit du glycérol, des acides gras libres, et selon le degré d'action enzymatique sur le substrat, des mono ou diglycérides.
Mais les produits de dégradation ont tendance à reformer des triglycérides spontanément. Il faut qu'à proximité, il y ait un système qui empêche la refusion des acides gras avec le glycérol. Cela est permis par les micelles qui vont dissoudre les acides gras libres dans le coeur liposoluble. Il y a alors nécessité de sels biliaires à proximité. En absence de sels biliaires, les triglycérides se reforment spontanément après hydrolyse.
Il existe un coenzyme : la colipase. Elle est sécrétée sous forme inactive (comme système de prévention d'activation de la triglycéride lipase). La procolipase dans la lumière du tube digestif est activée par l'action de la trypsine.
C'est un agent de liaison entre la triglycéride lipase et les triglycérides. Elle se fixe sur la partie polaire des triglycérides et permet à la triglycéride lipase d'agir. Elle est indispensable au fonctionnement de la triglycéride lipase.
Parmi les lipases, il y a une enzyme qui agit sur les phospholipides (apportés par l'alimentation) : la phospholipase notamment la phospholipase A2.
Elle est sécrétée sous forme inactive et activée par la trypsine. Elle agit sur les phospholipides avec production d'acides gras libres et de lysophospholipides qui ont comme propriétés d'être amphiphiles. Ils aident à la mise en solution des lipides présents dans la lumière du tube digestif.
Parmi les lipases, il y a une enzyme qui permet de digérer le cholestérol apporté dans l'alimentation qui est sous forme d'ester de cholestérol. Il est hydrolysé pour produire du cholestérol libre qui est sa forme absorbée. Cette transformation est assurée par la cholestérol-ester-hydrolase sécrétée sous forme active dans le tube digestif.
La digestion des lipides est un phénomène assez complexe. Elle implique une bonne activité de brassage gastrique et la nécessité de la présence de sels biliaires, de coenzymes.
Ce qui apparaît en premier dans les pathologies de digestion notamment l'insuffisance pancréatique est la maldigestion des lipides. Cela se traduit par une augmentation de concentration des graisses alimentaires dans les selles : une stéatorrhée.
La sécrétion est contrôlée essentiellement par les hormones avec deux hormones qui contrôlent la sécrétion exocrine.
La cholécystokinine (CCK) fait partie de la même famille que la gastrine. Suivant le même principe que pour la gastrine, la sécrétion se fait par les cellules endocrines qui sont insérées dans l'épithélium intestinal, les cellules I. Ce sont des cellules endocrines ouvertes, c'est-à-dire que leur pôle apical est en contact avec la lumière du tube digestif. Des récepteurs détectent la présence des nutriments notamment les lipides, les acides aminés. En réponse à cela, les cellules libèrent au pôle basal la CCK.
Cette hormone dérive par hydrolyses successives d'un peptide volumineux. C'est toujours la partie C-ter qui est active. Il y a deux formes biologiques principales chez l'homme : CCK 33 et 58.
Il existe une forme très courte, CCK 8, libérée principalement par les neurones du SNC, notamment présents au niveau de l'hypothalamus. Ils participent au contrôle de la satiété, se lie sur certains neurones notamment le noyau arqué et entraînent l'inhibition de la prise alimentaire.
La CCK stimule la sécrétion pancréatique exocrine enzymatique, agit sur les cellules zymogènes. Il y a alors augmentation de la sécrétion et libération de toutes les enzymes. Il y a un second effet stimulant sur la motricité digestive : augmentation de la vidange de la vésicule biliaire (qui est une structure appendue aux voies biliaires où est stockée la bile pendant la période inter-prandiale).
Quand la concentration de CCK augmente dans le sang, la CCK agit sur les récepteurs membranaires qui sont sur la paroi musculaire de la vésicule biliaire. Il y a contraction et vidange très rapide au niveau du tube digestif, ce qui permet d'avoir des sels biliaires très rapidement dans le tube digestif, ce qui permet l'émulsion lipidique.
La sécrétine est le produit des cellules endocrines présentes dans l'épithélium de l'intestin grêle, surtout du duodénum. Ce sont des cellules ouvertes avec sur la membrane apicale des canaux ioniques qui détectent la concentration et la présence de H+ dans la lumière intestinale. Quand sa concentration augmente dans le duodénum (c'est-à-dire quand la vidange gastrique a commencé), les cellules S sécrètent et libèrent la sécrétine dans la circulation sanguine. Elle agit au niveau du pancréas exocrine sur les cellules canalaires principalement, et a comme effet utile l'augmentation de sécrétion de HCO3-. Les ions bicarbonates tamponnent les ions H+, ce qui favorise le processus de digestion qui se déroule de façon optimale à un pH voisin de la neutralité.
La CCK et la sécrétine ont un effet inhibiteur sur la motricité gastrique. Elles tendent à ralentir la vidange gastrique. C'est un phénomène de rétrocontrôle dont l'utilité est facile à comprendre. Le but est de délivrer les nutriments au niveau de l'intestin grêle pour que la digestion et l'absorption soient optimales. Quand les hormones sont dans le duodénum, elles servent de signal pour ralentir la vidange.
Il n'y a qu'une hormone : la somatostatine.
La sécrétion pancréatique exocrine peut être contrôlée en partie par le SNA. L'importance de ce contrôle est significativement bien moindre que celui des hormones. La stimulation parasympathique par l'intermédiaire du nerf vague a un effet de stimulation pancréatique exocrine sur la sécrétion enzymatique et de la sécrétion des ions bicarbonates.
Les trois phases sont identiques au mécanisme de contrôle de la sécrétion acide gastrique :
Toutes ces enzymes sont essentielles. Lors d'une insuffisance pancréatique exocrine, la mal digestion est obligatoire donc il y a mal absorption et malnutrition.
Le plus souvent dans le cas de pancréatite chronique, on a une destruction fonctionnelle de la glande. Un des plus grands pourvoyeurs est l'alcoolisme chronique. Les îlots de Langerhans sont également détruits. La seconde conséquence à un stade évolué est le diabète (on administre alors de l'insuline). Les situations de dénutritions sont prévenues par l'administration d'un excès oral pancréatique.
Les complications sont parfois redoutables. La pancréatite aiguë provient d'une activation anormale des enzymes pancréatiques au sein de la glande (canaux excréteurs) : il y a destruction plus ou moins complète de la glande pancréatique. La particularité est que le processus ne s'arrête pas qu'au pancréas, les enzymes peuvent diffuser à tous les organes : il y a par exemple un dysfonctionnement au niveau du rein (insuffisance rénale), respiratoire (syndrome de détresse pulmonaire), du myocarde. Il y a alors un état de défaillance multi-viscérale jusqu'au décès si le processus n'est pas pris à temps. Ces cas peuvent être aussi plus rarement la conséquence d'un alcoolisme chronique aiguë ou d'origine biliaire : des calculs dans la vésicule biliaire qui ont migré, se bloquent au niveau de l'ampoule de Vater. Le suc pancréatique ne peut plus s'écouler, il y a alors inflammation et activation anormale des enzymes qui aboutit à une pancréatite aiguë.